Chadi Nassif est Team Leader au département innovation de la Poste.
Ingénieur de l’école Centrale de Paris, Chadi Nassif, a exercé avant de rejoindre la poste les fonctions de pre sales chez motorolla, puis de software sales chez HP.

Alain Izadi est associé de CleeWord et CleeSee brokers de matériel informatique, il est également associé d’une société gérant des DATACENTERS et de IBEX – bureau d’étude spécialisé dans l’architecture des Datacenters.
Alain Izadi est ingénieur  ; ancien de Sup Elec.

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Le CLOUD : entre innovation, confusion et prestidigitations de marketeux.

Depuis début 2010, le terme CLOUD a gagné les faveurs de Google Trends. D’abord le “Ash Cloud” volcanique et ensuite le CLOUD de la musique et des applications : celui des deux qui nous intéresse.

Présenté par les vendeurs de logiciels en ASP et les hébergeurs de serveurs et d’applications comme étant le dernier cri, la dernière forme des produits et services qu’ils commercialisent, on se pose légitimement des questions sur la réalité de l’innovation technologique derrière le CLOUD. Ne serait-ce qu’un simple recyclage médiatique ?

Voilà ce que le grand public retient, entend et répète au sujet du cloud :
Les données sont ailleurs : aucun besoin de savoir où ; Elles sont dans le cloud.
Ou bien encore c’est pas un serveur classique, c’est un cloud.

Mais le grand public n’est pas le seul a être perdu. Les experts ont aussi du mal à mettre le doigt sur l’innovation concrète et la définition rigoureuse du Cloud.

Pour comprendre, nous avons fait quelques recherches, complétée par deux interview auprès de MM Nassif et Izadi (cf. la présentation plus haut).

Chadi Nassif nous a fourni dès le démarrage de notre entretien une des clefs de la compréhension de la naissance de la mode du Cloud : “Le cloud c’est comme le Web 2.0 par raport au Web 1.0”.
En effet, comment s’empêcher de retrouver là les mêmes confusions, tâtonnements, errements suivis des décryptages, débats, conférences déchaînés par l’avènement du web 2.0.

Avec le recul, ce que nous retenons du web 2.0, c’est surtout les réseaux sociaux et la participation de l’internaute à la génération du contenu ; par opposition au modèle de l’internaute consommateur pur d’une information produite par des rédacteurs, webmasters et autres profesionnels ou amateurs du web.

Le web2.0 est aujourd’hui couplé dans notre esprit à une application qui le représente parfaitement et qui a connu un des plus grands succès de l’histoire de l’internet : FACEBOOK.

Quand entend-on parler de CLOUD ?

Le cloud est mentionné dans les contextes suivants :

Les serveurs virtuels privés. AMAZON est aujourd’hui un des acteurs majeurs sur le marché des serveurs virtuels privés. AMAZON parle de CLOUD. Mais l’internet est plein d’experts qui expliquent qu’AMAZON a simplement changé le nom et gardé tout le reste de son offre VPS.
Les serveurs virtuels privés sont, pour ceux qui l’ignorent, le résultat du partitionnement d’un serveur en plusieurs serveurs virtuels indépendants qui ont chacun les caractéristiques d’un serveur dédié, en utilisant des techniques de virtualisation.
On retiendra donc : Cloud pour désigner des serveurs privés virtuels (accessibles via le WEB).

Le SaaS (Software as a service). L’exemple type est salesforce.com ou bien tout simplement l’application google docs. Un logiciel proposé en SaaS, est un logiciel, hébergé sur un serveur distant, auquel l’utilisateur accède à travers INTERNET et grâce à un simple navigateur web. Pour mémoire, le terme SaaS a pour ancêtre le mot ASP duquel il ne diffère que par l’appellation (un exemple très surprenant de prestidigitation de marketeux, consistant à proposer le même service grâce à une innovation linguistique).
On parle aussi de CLOUD pour SaaS ; les données sont sauvegardées ailleurs (pas sur le disque dur de l’internaute), dans les nuages :).
Donc, pour résumer SaaS : de la location de logiciel accessible via le WEB.

Le web Service (les APIs accessibles à travers Internet). Dans ce cas, les serveurs hébergeant les web services, sont accessibles par Internet, mais communiquent -non pas avec l’internaute à travers une interface humaine- mais avec d’autres serveurs ou bien avec les applications des ordinateurs, des mobiles et des tablettes. C’est de la communication entre machines.
L’exemple de ces web service sont les services google Maps que les développeurs peuvent intégrer dans leurs applications (applications sur desktop, mobile ou bien applications web).
Là, on se rappellera que le web service est : une API accessible via le web.

Pay as you go. Les prestataires proposant le CLOUD le présentent également comme un nouveau modèle de prix ; L’utilisateur du CLOUD paie son utilisation, quantifiée par le temps de calcul, l’espace de stockage et la bande passante.

Un système sans limites de capacités. Les fournisseurs présentent le CLOUD comme un système permettant aux applications qui y sont hébergées de monter en puissance (en bande passante, nombres de requêtes, espace de stockage) sans impact perceptible sur leur temps de réponse, sans nécessiter de changement de formule (ou de plan d’hébergement).
Pour mieux comprendre, prenons l’analogie électrique et imaginons que, pour électrifiier un complexe résidentiel, nous ayons le choix entre un groupe électrogène local et le branchement au réseau EDF (qui correspond au CLOUD dans l’analogie).

Si le choix du groupe électrogène est retenu, la borne supérieure de sa capacité étant connue et comparable aux besoins prévus initialement, si la demande en électricité du projet augmente au delà d’un certain point, il faudrait changer de groupe électrogène. Par opposition, en se branchant sur le secteur, la montée en puissance peut se faire sans se soucier d’une quelconque limitation de puissance.

Le point de vue de l’architecture matérielle propulsant le service.

M. Izadi (cf . bio), réagit assez différemment quand nous l’interrogeons sur le CLOUD. Etant donnée sa pratique des DATACENTERSi, le CLOUD signifie, pour lui, un nuage de serveurs pilotés par une couche logicielle qui permet de distribuer les calculs sur chacun des serveurs du “nuage”.

En ce sens, le CLOUD computing ressemble bien plus à du GRID computing (du calcul sur une GRILLE de machines, ou bien un réseau de machines).

Il est vrai que M. Nassif, après réflexion constate, qu’il y a deux aspects du CLOUD qu’on croise dans la pratique :
– L’aspect synchronisation de tous les devices d’un utilisateur (son DESKTOP, son LAPTOP, son mobile et sa tablette) avec un service sur le web (l’exemple type étant le iCloud d’APPLE qui permet de synchroniser les contacts et autres données privées entre les différents équipements de l’utilisateur, tout en conservant la donnée de référence dans le “CLoud” d’APPLE)
– et l’aspect architecture distribuée des serveurs qu’il a baptisé “Le CLOUD de l’architecte”.

Retour aux bases. Peut-on retenir une définition du CLOUD ?

Voici ce que dit wikipedia du CLOUD :
“the cloud can automatically direct more individual computers to work to serve pages for the site, and more money is paid for the extra usage”

Dans cette définition, on voit clairement l’aspect GRID computing (calcul distribué sur plusieurs serveurs), car le CLOUD y est présenté comme un système permettant de monter en puissance de calcul en “ralliant” des serveurs supplémentaires ; comme on y voit l’aspect WEB (par opposition à ce qui se passe derrière le firewall d’une entreprise) grâce à la mention “serve pages for the site”.

Quelques lignes plus loin on y apprend que le CLOUD a pour origine un modèle théorique de serveur à capacité infinie. Le CLOUD est donc à l’origine une architecture en grille de calculs permettant l’augmentation des capacités de calcul d’un système propulsant un serveur logiciel.

Comme par ailleurs, il fallait connecter les abonnés à cette “grille de calculs”, quoi de plus naturel que d’opter pour l’accès à travers le web ? C’est là que le CLOUD touche au WEB.

Genèse d’une confusion

Nous allons pouvoir enfin faire la synthèse de notre recherche et comprendre où est née la confusion.

Repartons donc du CLOUD en tant que GRID (ou grille de calcul). Cette architecture permet (comme expliqué plus haut) à son opérateur de proposer l’hébergement de services (au sens de serveurs logiciels) sur une architecture matérielle virtuellement illimitée en puissance. Elle lui permet aussi, en s’affranchissant de l’affectation directe d’une machine à un client de proposer un modèle de pricing à la consommation.

Sur son CLOUD l’opérateur peut donc proposer l’hébergement de toutes les offres logicielles déjà existantes (SaaS, web Services, VPS) avec en plus un avantage de taille : prix variable et capacités illimitées.

Progressivement la notion du CLOUD est donc devenue indissociable de l’aspect accès par le WEB (alors qu’on pourrait tout à fait envisager une grille de calcul déconnectée du WEB).
Nous pouvons résumer le cloud par :
“WEB services on a GRID server”

La rencontre de deux nuages.

Nous avons tous à l’esprit la représentation symbolique de l’internet par un nuage.
Ce nuage n’a évidemment pas grand chose à voir avec le “nuage” de serveurs du CLOUD Computing (ou bien du GRID Computing : pour bien séparer les deux notions).

Mais il faudrait bien moins pour semer la confustion. La notion du CLOUD d’abord terme équivalent au GRID, s’est rapprochée progressivement du WEB (le moyen d’y accéder), s’est mêlée aux services qu’il est possible d’y héberger (les WEB services, SaaS, …) pour finir par fusionner avec le WEB symbolisé classiquement par un nuage (cloud = nuage en anglais).

Le dernier acte de la rencontre des deux nuages est sans doute le plus drôle.
En effet, certains prestataires ont fini par oublier l’aspect à l’origine de la mode du CLOUD, c’est à dire qu’ils ont oublié le CLOUD Computing (e GRID Computing). Or qu’est ce qui reste quand on retire le GRID computing ? Il reste : les offres logiciels accessibles à travers le WEB qu’ils vendaient déjà depuis des années (augmentées éventuellement d’un nouveau modèle de prix). Et voilà comment on se met à repeindre en CLOUD un catalogue d’offre qui n’a pas changé sur le fond et voilà pourquoi des voix s’élèvent, non sans raison, pour dénoncer une arnaque, une innovation purement linguistique.

VRAI CLOUD et FAUX CLOUD

Il y a donc du VRAI CLOUD (des services web propulsés par des grilles de calculs) et il ya du FAUX CLOUD (du share hosting ou bien même du simple hébergement dédié rebaptisé pour des raisons marketing en CLOUD !!)

Comment dissiper la confusion ?
Comme pour toutes les apories, il existe un seul remède sûr : préciser le vocabulaire pour dissiper la confusion.

Si vous nous avez suivi jusque là vous avec compris que :

– Il y a d’un coté le GRID computing (architecture matérielle distribuée et couche logicielle permettant de répartir les charges sur les points de la distribution) ; que cette architecture est très efficace pour la montée en puissance d’un service (typiquement un site web dont le volume de visite augmente, un web service intégré dans un nombre croissant d’applications).

– et il y a d’un autre cotés les services accessibles à travers le WEB (SaaS, Web Services, VPS) qu’on pourrait collectivement regrouper sous le terme Services WEB. Ceux là peuvent aussi bien être hébergés sur une GRID que sur des serveurs plus conventionnels (par exemple un LAMP sur un serveur DELL).

Comme un schéma vaut mieux que mille discours. Voici sur une planche la synthèse de ce qui a précédé.

Une illustration du vrai CLOUD le moteur de recherche GOOGLE.
Schéma du ping.

http://just-ping.com/index.php?vh=www.google.com&c=&s=ping%21